jeudi 13 décembre 2012

Maël Nozahic


Maël Nozahic
Galerie Faouëdic à Lorient du 25 octobre au 2 décembre 2012.

On pourrait croire par certains endroits à l'exposition d'un Henri Rousseau sous acide ayant vu dernièrement les films de Terry Gilliam, mais c'est bien les œuvres de Maël Nozahic qui sont exposées dans la galerie de Lorient.

La galerie se compose de deux salles et d'un étage, entièrement consacrés à l’œuvre de Nozahic, principalement de la peinture à l'huile, mais aussi des aquarelles et des collages.
La première pièce donne le ton. On y voit décliné sur plusieurs toiles un manège macabre au milieu d'une forêt où accrochés à des rails des chevaux sont poursuivis par des loups ou des hyènes.
Très sombres et glauques ces peintures préfigurent le reste de l'exposition, le symbole du loup, de la hyène et du manège réapparaissant dans beaucoup de peintures de l'artiste.
On retrouve déjà non loin plusieurs portraits d’hyènes rigolardes, la gueule grande ouverte où apparaît à l'intérieur un monstre noir à l'apparence d'un dragon chinois.
La seconde pièce est plus hétéroclite et nous montre un peu plus la puissance de l'imagination de l'artiste. Encore une fois le thème du manège et du cirque revient sous des aspects malsains, voire morbides, comme cette petite fille à tête de mort qui se tient entre un chimpanzé mort de rire et une femme embrassant un paon. On y trouve aussi des peintures encore plus farfelues, avec cette tête où le cerveau a été remplacé par un manège, ou ce monstre fou, sans tête, au corps de reptile jaune tacheté de bleu tenant du bout d'un bras humain une plante où pousse une tête grisâtre.
Il serait trop long de parler de chaque tableau tellement les peintures fourmillent de détails intrigants qui présentent différents aspects de l'univers de l'artiste.
A l'étage de la galerie encore des peintures où réapparaissent manèges, cirques et autres animaux apparemment chers à l'artiste, chevaux, hyènes, chimères et lions.
Familiarisés avec l'univers étrange de Nozahic et à cette patte graphique bien particulière, nous serions certainement déjà capables de reconnaître entre mille les œuvres d'un artiste que nous ne connaissions pas avant d'entrer dans la galerie.

L'exposition m'a relativement plu et j'ai pris plaisir à me promener parmi ces peintures. La taille de la galerie correspond bien à l’œuvre de l'artiste car plus aurait été redondant, l'artiste nous montrant à chaque fois les mêmes symboles et souvent les mêmes lieux.
N'ayant d'ailleurs jamais entendu parler de Maël Nozahic, je me suis mis à l'imaginer à partir de son travail.
M’apparaît alors en tête un homme torturé, un peu fou, insomniaque et alcoolique, restant cloîtré dans sa cave pour peindre ses visions cauchemardesques qu'il voit à travers son esprit malade...
Mais en vérité sous le prénom masculin trompeur "Maël" se trouve une jolie jeune femme d'à peine trente ans (vingt-sept pour être exact) et récemment diplômée des beaux-arts de Quimper.
Un peu comme Odilon Redon à son époque, l'artiste n'a pas la tête de l'emploi, et derrière cette œuvre assez dérangée se trouve quelqu'un de tout à fait normal.

Loïck Camus




mercredi 12 décembre 2012

Roman Ondak



Roman Ondak, Musée d’art moderne de la Ville de Paris
Du 28 septembre au 16 décembre 2012

Trou de serrure sans porte ou bien porte invisible ? Comment voit-on ce qui nous entoure si ce n’est par notre regard qui ne serait que le petit bout de la lorgnette ?
Mur fenêtre ou fenêtre condamnée ?
Tableau photographique activable par un interrupteur, cheminées de tôles reliées entre elles par une chaîne à mini boules comme celle des porte- clés d’enfant, cheminées posées à même le sol, en ronde, cheminées sans toitures et sans fumées, détournées de leur fonction et de la vie humaine, mais humanisées par la personnification de la ronde qu’elles forment. Elles sont solidaires ou bien au contraire contraintes d’être dans la même situation.

Tableaux grisâtres ou blancs à la texture des murs de la rue, sur lesquels sont appliqués des grillages, des filets, ou encore un filtre à thé percé et retourné qui crée comme un passage vers une autre dimension, celle du tableau.

Roman Ondak arrive avec très peu d’éléments à amener le spectateur à se poser des questions auxquelles il se confronte en imposant une distance. Les objets parlent d’eux-mêmes, racontent les histoires des Hommes en fonction de leur association.

Une vitrine en verre intacte dans laquelle se trouve un objet en verre brisé, me donne d’abord la sensation que la vitrine est cassée à l’extérieur. En l’observant bien, je remarque que c’est à l’intérieur qu’il y a cassure. Ramenée sur un plan humain, cette œuvre me donne à réfléchir sur l’apparence que les être humains veulent toujours garder intacte jusqu’au bout jusqu’à ce qu’il n’y ait plus le choix, le faux semblant d’un Bonheur parfait alors qu’ils sont en bouillie à l’intérieur. Ou si on le ramène à une ville par exemple Pékin, dont certains quartiers, pour la visite du Président Bush avaient été repeints en une nuit du même gris partout pour unifier et donner l’impression d’une ville propre alors qu’à l’intérieur il s’agissait bien sûr toujours des même taudis.

Roman Ondak a aussi demandé à une centaine de proches de dessiner leur vision de la ville du futur. Je trouve très intéressant ce projet car sans le vouloir les dessins avec chacun leur pâte ont des traits communs. Une belle vision de l’imaginaire collectif.

Et enfin Measuring the Universe, 2007, œuvre entre installation et performance qui convoque aussi bien les spectateurs que les gardiens de salle du musée, à qui a été confiée la tâche de noter chaque nom de visiteur au niveau de sa taille, à l’aide d’un marqueur noir. Cette œuvre installée dans un grand virage me donne la sensation d’une voie lactée à échelle humaine.

Exposition métaphorique à l’allure pourtant austère qui me réconcilie avec l’art minimaliste et conceptuel.

Blanche Denarnaud

Georges Didi-Hubermann et Arno Gisinger


« Histoires de fantômes pour grandes personnes »


Exposition in situ de Georges Didi-Hubermann et Arno Gisinger, au Fresnoy.
Du 5 octobre au 30 décembre 2012


Il s’agit d’un hommage au philosophe contemporain Aby Warburg (1866-1929) et à son travail « Mnémosyne ». Ce grand atlas réunissait des milliers d’exemples traitant de l’entrecroisement des images de notre société. A.W. parle de psychologie, et de la trace que laissent les images/ les souvenirs en nous. Les « survivances ».

Depuis 2010, G. D-H. a réalisé trois expositions sur cet Atlas – au musée Reina Sofia à Madrid ; au ZKM à Karlruhe et à la fondation Falckenberg à Hambourg. Cette quatrième édition, au Fresnoy, est accompagnée des photographies d’Arno Gisinger. Celles-ci sont des traces des trois expositions précédentes.
C’est donc dans l’immense nef du Fresnoy que le philosophe et anthropologue réalise un nouvel accrochage. A partir de la planche 42 d’A.W., consacrée aux lamentations funèbres. Trente-huit vidéos sont projetées sur le sol, alors que nous sommes sur une rambarde deux mètres plus haut. Ce sont des extraits de films, de documentaires, des photos, des dessins, des peintures qui sont en relation avec ce thème. Elles agissent comme un répertoire, une accumulation. Seul un son est diffusé à chaque fois, mais on ne sait de quelle image il provient. Elles défilent, s’arrêtent, recommencent. S’effacent. Réapparaissent. Vont des fresques de Giotto aux films politiques du chinois Zhao Liang, en passant par « Vivre sa vie » de Jean-Luc Godard et les vases peints des potiers grecs du VI av. J.C . On admire l’exhaustivité de l’ouvrage. Tout y est, tout est balayé. On parcourt des siècles de société grâce à ces extraits.
L’ambiance est glaciale. D’abord par le lieu désert puis par l’immensité de cette proposition (1000 m²). C’est saisissant. Les sons des vidéos nous paraissent sortis tout droit de notre imagination. G.D-H. réveille nos fantômes …


Sur les 115 mètres de murs qui entourent la passerelle, les photos d’A.G. sont affichées. Sans cadre, sur papier mat, tirées en format A0 (soit 1 m² par image). On est happé par leur taille et leur beauté. Seraient-elles réelles ? Elles sont les témoins des expositions précédentes. Leur trace. Leur survivance.



Pour conclure, une œuvre monumentale (par la taille mais aussi son exhaustivité). Qui fait réfléchir sur notre mémoire personnelle et collective. Extrêmement sensible.

Clémence Delille

NOVA ARGEA André Guedes


NOVA ARGEA André Guedes juqu’au 09/12/12
http://www.phakt.fr/

Après avoir passé une heure à demander votre chemin à une multitude de personnes, allant jusqu’à chercher naïvement un centre d’art ouvert le lundi qui pourrait vous renseigner et enfin après avoir compris qu’il fallait en fait traverser le centre commercial Columbia pour accéder à la fameuse place des Colombes, vous parviendrez éventuellement à trouver le centre culturel du PHAKT.
Situé au fond d’une petite cour dominée par des constructions des années 60, le PHAKT semble étouffer sous le poids de ces grands immeubles se voulant modernes qui semblent faire l’ unité du paysage du quartier Colombier.
Des vitres glissent puis s’ouvrent sur un espace silencieux où, à l’occasion de la Biennale de Rennes 2012, se dresse une pièce dans la pièce, entièrement faite de bois, comme une énième « structure sous la structure », en décalage avec la robe de béton et de plastique qui recouvre le reste du quartier. C'est comme si l'on avait enfin atteint la dernière poupée russe, la plus petite, celle qui semble renfermer un énorme secret.
On y pénètre par un trou parfaitement rond dont le morceau qui le comblait a été déposé au sol près de l’entrée (1). Un rideau, puis des chaises qui nous attendent. Au centre, deux projecteurs de diapositives se tournent presque le dos, assez pour que les images forment un angle obtus qui fonctionne avec la disposition des chaises pour mieux aérer et élargir notre champ de vision.
Nos yeux n’ont plus qu' à se concentrer sur les diapositives. Elles défilent presque simultanément; un léger écart néanmoins crée un rythme saccadé du fait du bruit des rétroprojecteurs, en contraste avec le noir et blanc légèrement jauni des images qui berce la pièce d’une douceur passée.
À gauche (2), des photographies d’un groupe de jeunes gens réunis autour de ce qui semble être un jeu de société fabriqué par leurs soins alternent avec des œuvres de Clara Barthala (4), des formes géométriques qui s’entrechoquent, s’embrassent ou se dispersent... On pense à un plan ou, pourquoi pas, à
Rythmus 21 de Hans Richter qui nous ramène à l’époque de l’architecture moderniste, à un désir d’ épuration et de minimalisme.
À droite (3), le même groupe semble jouer au même jeu mais cette fois-ci à taille humaine, dans une clairière. Ils forment une sorte de ronde, accompagnés de pièces triangulaires à leur taille.
Un 360 degrés et l'on remarque que ces triangles sont partout dans la pièce. Ils soutiennent la structure, forment une fissure dans une des faces, sont déposés au sol ou debout, attendant peut-être qu’on les manipule. On retrouve également des similitudes dans les photos et la structure : le rond de l’entrée, le cercle formé par le groupe, la ronde comme une sorte de danse dans les photos de droite, le bruit des diapositives qui s'enchaînent, les images qui passent en boucle puis la raideur des formes géométriques, triangle, bras tendu, bâton pointé vers le sol...
À cela s’ajoute le récit textuel diffusé depuis le plafond. Entre autre, un récit historique à propos de
A communal 1974, une coopérative créée au Portugal par de jeunes urbanistes désireux d’ «insuffler une dynamisation culturelle en milieu rural» tout en travaillant main dans la main avec les paysans et ainsi construire un système différent, sans aucune hiérarchisation. Sans que le texte ne soit parfaitement synchronisé avec les images, il nous guide. Naïvement j’avais pensé que ce qui défilait actuellement était la preuve de la survie de la coopérative jusqu’en 2012 où elle continuerait d’ agir... Que nenni! Ce ne sont pas des images d’archives mais une fiction sous forme de jeu en 8 règles qui nous font étroitement penser à l’élaboration d’un système utopique, comme on l’appellerait vulgairement. Entre autres : former un cercle, changer de façon de fonctionner à chaque tour, « ni vainqueur ni perdant », on discute du tour précédent pour ne pas répéter les mêmes erreurs... Le but est de construire une sorte d’espace convenant à chacun et capable d’évoluer en permanence. Il y a des extraits de poèmes de Fiama Hasse évoquant «l’harmonie», «l’aube», «l’éphémère». Puis vient un témoignage: «la coopérative ne mourra jamais», «unir nos terres pour unir les gens», «le plus important c’est les gens», «ce que nous appelons socialisme», «capacité de décision collective». Des formules que je trouve simplistes. Je suis agacée, peut-être en partie par moi-même puisque ces mots-là me rappellent les miens il y a quelques jour : « multiplier les coopératives pour transformer la société».
Tout cela semble s'organiser en un genre de chorégraphie qui nous inviterait nous aussi à « rentrer dans le cercle ». Je souris. Ça fait maintenant une demi-heure que je suis là; je me suis laissée entraîner. D’abord par défi face à une installation qui, à première vue, ne me captivait ni par sa forme ni par son propos, ensuite bien malgré moi. Finalement on y croit à leur projet. C’est si doux, ça semble tout près, palpable... et puis on sort par le triangle et nous voilà dans un cul-de-sac (5). L’espace est confiné, comme un espoir vain. Demi-tour. On passe par le cercle, on sort et nous voilà à nouveau dans la réalité. La transition s'est faite avec violence. Violence d’une société qui n'arrête pas de vouloir augmenter, ajouter, multiplier, accélérer; violence d'un système qui «
tend à l’inhumain».
Tout d’un coup je suis heureuse d’avoir rencontré autant de difficultés pour trouver ce lieu. Avoir eu à traverser tout un centre commercial et me retrouver à présent surveillée par ces ignobles immeubles qui semblent vouloir nous écraser donne d’autant plus de poids à l’installation d’André Guedes que cela crée un contraste avec l’œuvre qu’il nous propose. On mesure l’énormité de l’obstacle face à la coopérative
A communal et à tous ceux et celles qui se mobilisent pour le changement. Mais le désir d’une évolution vers un autre mode de fonctionnement est toujours là et même au milieu d’un quartier qui traduit une tendance à «l’amplification maladive», il semble avoir sa place et nous rappelle qu’il ne faut jamais abandonner les espoirs d’une époque mais plutôt les réactualiser sans cesse.

Marie Grihon
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Sarah Menal


Qui ? SARAH MENAL ……… " À même les terres "… Nantes, Tel Aviv, Jaffa Où ? A la cité des voyageurs Quand ? Du 07 novembre au 04 janvier 2013 

Cette jeune artiste témoigne de son voyage récent en février et mars dernier à Tel Aviv - Jaffa. Elle s'est penchée sur l'histoire de ces cités jumelles en écho avec son expo précédente "Mon nom de l'autre" .Elle racontait son futur voyage en Israël comme un fantasme ou un rêve anticipé d'après son imagination, en explorant les liens forts de ces deux villes.

Mais pourquoi Tel Aviv et Jaffa ? D'une part l'histoire de ces deux villes résonne avec son travail précédent sur les jumeaux. Tel Aviv et Jaffa ont connu d'après elle des développements similaires aux fœtus jumeaux. D'autre part elle souhaitait questionner ses origines juives.

On assiste donc à son retour de voyage ! On se demande comment l'artiste a vécu ce voyage et si ce qu’elle imaginait, correspondait à la réalité ? L'exposition se déroule dans une agence de voyage, on entre directement dans l'univers de la découverte de nouvelles terres. Son travail est exposé dans deux salles différentes. Dans la première, on circule autour de quatre grands dessins posés sur des tables, chaque dessin témoignant d'une journée passée là-bas. Le pigment utilisé pour ces aquarelles provient de sa propre terre, terre qu'elle a récoltée dans le jardin de ses grands-parents. En parallèle, une vidéo projette au mur, des images que Sarah Ménal a tournées sur place avec en voix off, un enregistrement qu'elle a fait auparavant, imaginant les villes de Tel Aviv et Jaffa. On entre donc pleinement dans ce contraste qui révèle imagination et réalité. Ensuite, dans une seconde salle au sous-sol, on peut voir ses travaux sur les fœtus et les jumeaux. Cela permet de mieux comprendre le travail de l'artiste.

Je dirais pour conclure, Sarah Ménal nous transporte dans son univers et ses questionnements, mais on sent le projet encore récent…d'après elle, de nombreux projets sont encore en cours .... ON ATTEND DONC LA SUITE AVEC IMPATIENCE !!!
Zoé.

mardi 4 décembre 2012




Format 2012 à l'Atelier, Nantes.
Du 23 novembre au 30 décembre 2012.



Emmanuelle Villard
  






Cette surface saturée de perles me dégoûte. Comme les poupées ou les vieilles peluches dans les brocantes.
Perles de toutes les couleurs. Argentées, or, des diamants en plastique, vert pomme, bleu roi, rouge, orange, des étoiles, le tout englué par un gel acrylique sur un support rond ou rectangulaire : Mais qu'est-ce que c'est moche !
Je m'approche jusqu'à ce que mon champ de vision soit totalement rempli de cette bouillie de perles et me laisse porter par l'expérience de chacun des tableaux.
Des liens alors se créent. Les formes et les couleurs m'invitent au voyage. Chaque tableau propose une ambiance différente. Dominante rouge. Perles petites. Perles plus grosses. Dominante noire.
Une chaîne rose vient fendre le blanc. On peut parfois même dans de petits miroirs croiser son propre regard.
A quelques centimètres à peine du tableau dont je ne vois plus les bords, je me perds dans un univers onirique.
Travail sur la saturation. Trop brillant, trop coloré, trop rempli ; qui répond bien à l'époque des images dans laquelle nous vivons, trop bruyante, trop rapide, trop remplie. Mais qui finalement pose, une sorte de calme silencieux.
De la saturation et du trop plein je vous amène au silence. Car comme disait Antonioni «  Dans les silences, on peut dire tant de choses. »





Paysages grands formats. Olivier Rucay





« Le spectateur déambulant peut imaginer et s'approprier ces bouts de paysages afin de satisfaire son propre imaginaire. […] Ce travail qui oscille entre abstraction et figuration devient une fois accroché une proposition universelle tendant vers l'émotion. »
Captations de bribes de paysages, flou. Certaines scindées en plusieurs parties.
Beaucoup de questions techniques ou sur les partis pris de l'artiste me viennent à l'esprit, mais en rien mon imaginaire ne se soulève, ou ne me porte vers une émotion quelconque.
J'observe l'accrochage, la disposition dans l'espace, le cadre qui maintient les toiles au mur, mais je reste totalement indifférente au point de vue de l'artiste.



Toujours la même histoire. Christophe Viart



  


J'ai trouvé l'œuvre conceptuelle de Christophe Viart bien trop conceptuelle.
Le cercle : un rien, un rond, un zéro, l'infini. Ou le temps, l'horloge,... Un discours sur lequel je reste bien sceptique.
J'ai été happée davantage par le côté plastique de l'œuvre.
Ce très grand format (10 mètres de long au moins), recouvert de cercles blancs identiques, ne nous permet pas de voir l'œuvre telle qu'elle est. Je veux dire que face à l'espace réduit dans lequel elle se trouve, les cercles qu'elle contient ne peuvent nous apparaître par la perspective que toujours déformés.
Et nous sommes trop prêts de l'œuvre pour la voir dans sa totalité. Nous déambulons face à un mur qui occupe tout notre champ visuel.
La couleur rose se reflète sur les murs de la pièce et s'impose dans le lieu d'exposition.
Le contraste avec les cercles blancs propose une expérience presque hypnotique.
Une pièce à vivre selon moi, et qui n'a pas à s'accrocher à un concept.


Capucine Girard-Colombier

Splendeurs Sacrées, Chapelle de l'Oratoire, Nantes. Jusqu'au 20 janvier 2013


Splendeurs Sacrées, Chapelle de l'Oratoire, Nantes. Jusqu'au 20 janvier 2013



Commissaires d'exposition : Guillaume KAZEROUNI, Adeline COLLONG-PERUGI

            L'exposition Splendeurs sacrées nous emmène dans un voyage au cœur du XVIIe siècle en présentant des œuvres religieuses dans leur contexte originel. Après un court texte d'introduction à l'entrée de la Chapelle, nous entrons dans l'exposition à proprement parler, on s'y déplace dans un silence presque religieux, seuls les bruits de nos pas résonnent sur le plafond en bois et les murs en tuffeau blanc.
          
         Nous découvrons les œuvres dans leur intimité, des cimaises en bois ont été rajoutées pour créer des espaces agréables avec trois tableaux a l'intérieur de chacun d'entre eux. On y découvre des figures bibliques peintes avec une douceur incroyable. En se déplaçant dans ce lieu unique nous avons le droit à un tour d'horizon des styles picturaux du XVIIe, nous redécouvrons le Baroque avec son faste, ses élans lyriques, et son exaltation et le classicisme avec son équilibre sa douceur et sa simplicité.

         Non loin de ces épigones de Rubens et de Poussin, se trouve Le Repas chez Simon le Pharisien de Philippe de Champaigne entièrement restauré, la pièce maîtresse de l'exposition. Le tableau qui tombait en décrépitude a été remis en état, remettant en valeur les couleurs intenses, notamment le bleu lapis-lazuli, et la délicatesse des tracés. Un documentaire sur la restauration de ce tableau est disponible, et malgré la qualité déplorable du film sur un plan technique, il permet de rendre compte de la minutie du processus de restauration. L'exposition nous interroge sur le statut d'œuvre sacrée dédiée à la prière, à la dévotion, et d'œuvre de musée. Bien que ces œuvres soient originellement des œuvres sacrées, on peut tout à fait se détacher de la religion pour regarder les tableaux avec un œil de profane.
            
       Une exposition incontournable en somme, ne serait-ce que pour Le repas chez Simon le pharisien de Philippe de Champaigne et L'Apothéose de Saint Eustache de Simon Vouet. Une exposition inévitable, que l'on aime l'art ancien ou l'art contemporain.
            
 Théophile Chenevier
           

Le repas chez Simon le pharisien, Philippe de Champaigne


L'apothéose de Saint Eustache, Simon Vouet




Juan Martin Arcos Dédoublement


Juan Martin Arcos

Dédoublement
Galerie “Quatre”  (4, rue Kléber, à Nantes)

            Au début, on ne voit rien. La disposition des impressions, les lumières de la galerie trop fortes, les vitres sur les photos. Tout semble être fait pour cacher le travail de l’artiste par de magnifiques reflets maladroitement éblouissants. Il faut trouver la position, l’endroit parfait d’où regarder le travail.             L’immersion est immédiate.



            Le noir nous engloutit, les lumières nous émerveillent. Les différents clichés laissent voir des lieux inconnus, aux perspectives imaginaires. On reconnaît ça et là des éclairages, des fenêtres, seules lumières répétées dans le vide créé par la nuit. L’artiste, déplaçant et répétant ces dernières, invente un nouveau lieu à chaque capture, certaines presque descriptives, d’autres complètement abstraites, elles nous laissent, perplexes, nous perdre dans ces “villes parallèles”.



           
Avec son appareil numérique, sans retoucher les photos, Juan Martin Arcos, retranscrit un moment vécu en révélant ces “non-lieux”. Invitation au voyage imaginaire, il nous laisse ainsi entrer (mais à la fois rêver) dans son univers, dont le vide -noir nocturne- est libre d’interprétation.





Rodrigo Dausch-Ibañez

Fragile Territories, Robert Henke Du 7 novembre au 6 janvier 2013 au lieu unique, Nantes




Fragile Territories, Robert Henke
Du 7 novembre au 6 janvier 2013 au lieu unique, Nantes



J'ai traversé deux rideaux pour entrer dans la salle. A l'intérieur il faisait complètement noir, je voyais seulement des lumières qui se baladaient sur un grand mur semblant un écran de cinéma. 
Quand mes yeux se sont habitués à l'obscurité, j'ai réussi à apercevoir de longs poufs devant ce grand mur. Je me suis assise au sol et je me suis appuyée contre l’un d'entre eux. A partir de ce moment j'ai commencé à faire attention à ce qui se passait en face de moi. Au début je pensais que c'était une sorte de circuit de lumières (néons) posé contre le grand mur noir, qui s'allumaient et s'éteignaient.

Puis, je me suis rendue compte que c'était une projection de lumières accompagnée d'un son. Ce son me faisait penser au voyage du courant électrique. Une ombre traversait la salle de temps en temps en boucle. Je voyais ces lumières qui dansaient sur le mur créant des formes : des lignes, des carrés, des rectangles, des boucles... par moments j’attendais qu'elles fassent des formes plus complexes ou figuratives (personnages, objets, je ne sais pas, quelque chose que j'aurais pu reconnaître).
Puis j'ai essayé de trouver des relations de cohérence et de symétrie entre les deux parties de l'écran, pour moi des hémisphères avec une ligne au milieu qui représentait un peu comme la division entre ces deux hémisphères.

Cette projection de lumières m'a fait penser à un circuit électrique quelconque, mais aussi à des puces électroniques géantes entre autres. J'ai pu voir aussi que par moments l'intensité des lumières augmentait, alors j'ai eu l’impression qu'elles allaient envahir l'espace réel où je me trouvais comme des feux d'artifices. Puis l'idée de labyrinthe m'est venue d'un coup, suivie de l'idée de plans d'architecture. L'idée de chemins ou routes galactiques m'a traversé l'esprit, j'ai pensé aux flux des marchandises ! 

Finalement j'ai eu la sensation que ces jeux de lumières représentaient l'intérieur du cerveau, les informations qui circulent dans les différentes parties de celui-ci, la division de deux hémisphères avec les informations qui vont et viennent qui ne s'arrêtent jamais dans tous les sens mais avec une certaine organisation. C'était agréable.

NDA.

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Bojan Sarcevic L'ellipse d'ellipse 21septembre-18 novembre






INSTITUT D'ART CONTEMPORAIN
Villeurbanne/Rhône Alpes
Bojan Sarcevic L'ellipse d'ellipse
21septembre-18 novembre
Commissaires: Nathalie Ergino assistée d'Anne Stenne




Il et Elle


Le spectateur est accueilli par un couple, Il et Elle, deux blocs d'onyx, masses sculpturales.
J'apprends que leurs couleurs se sont formées sur plus de 35 millions d'années par un dépôt calcaire dans l'eau douce. Le dessin de la pierre me fascine, on me parle de peinture.

Dans la même pièce, une branche fine semble sortir du mur, on me parle de dessin, de dessin dans l'espace.
Justement, l'espace, mais aussi l'architecture m'apparaissent tout au long de la visite comme les deux principaux axes de réflexion de l'artiste. Il aime à nous montrer une architecture morcelée, construite et déconstruite ; tout cela en nous parlant de sculpture.

Dans une salle vide, seul un coin de la pièce est exploité : un coin d'un ailleurs a été greffé ici. C'est une trace, comme un témoignage d'un lieu qui a existé. L'aspect brut de l’œuvre ne nuit pas à sa poésie.





                                      
                                       Favourite Clothes Worn While She or He Worked


Une nouvelle salle, j'entre. J'ai l'impression d'être dans une boutique. Des vêtements sont soigneusement pliés et présentés sur des tables. Je m'approche, les vêtements sont sales, comme usés, et je vois des gens, je vois des gens à travers ces vêtements, c'est comme si le tissu témoignait, il est vivant.

Une série d'images prélevées dans un magazine d'architecture nous donne à voir un espace perturbé, déconstruit puis reconstruit par l'artiste grâce à un procédé de découpage. C'est beau, c'est graphique. Puis une sculpture, elle est à la fois présente dans la salle et mise en scène dans des photos. Les cadrages et les postures se ressemblent, les photos m’ennuient. Je ne comprends pas pourquoi les mannequins qui manipulent la sculpture sont habillés de la sorte. Un bruit de projecteur m'interpelle, je poursuis.

Il s'agit de quatre vidéos présentées dans quatre petits pavillons prévus à cet effet.
Je regarde. La première vidéo s’arrête et on entend déjà le bruit d'un second projecteur. Je suis guidée par ce bruit et me dirige vers un deuxième cabanon. Le début de la vidéo est noir, preuve de la prise en compte du déplacement du spectateur à la recherche d'une suite. Des installations aux allures de maquettes utopistes sont sublimées par la vidéo et l'éclairage. Le choix des matériaux contribue à l'esthétisation, l'artiste utilise du plexiglas, du cuivre et de fines branches d'arbre. Ces matériaux sont comme la signature de l'artiste, ils sont présents partout.





Éventuellement

Éventuellement est constituée de six structures en acier et en plaques de cuivre. L'installation nous invite à la déambulation. Le reflet du cuivre poli capte le moindre mouvement, les lignes et les plans se croisent, se multiplient grâce au reflet. La scénographie m'apparaît trop rigoureuse, pour moi il manque quelque chose.

Deux visiteurs s'en vont, j'entends « C'est tout ? »


Lola G P


« SI J'AVAIS UN MARTEAU… » HAB Galerie, Nantes. Jusqu’au 6 janvier 2013


« SI J'AVAIS UN MARTEAU… » HAB Galerie, Nantes. Jusqu’au 6 janvier 2013



L'exposition est située au hangar à bananes, que, soyons franc je connaissais essentiellement pour ces bars qui longent la Loire, et moins pour la galerie du "hangar 21",soit la HAB galerie.
Alors que je suis sur le point de rentrer pour commencer l'exposition, je me prends à réfléchir sur le thème donné...
"Si j'avais un marteau" m'évoque des ouvriers en train de travailler, le bruit d'un marteau-piqueur que l'on entend depuis la rue, les magasins de bricolage, Claude François... 
Mais voilà que je cesse de dériver sur ce que ce sujet m'évoque. Je suis dans la galerie. Je commence la visite.

Le bruit d'un marteau.

L'espace est "simple", il n'y a pas de couloirs alambiqués, juste une salle en forme de L à l'envers dans laquelle nous évoluons d'œuvre en œuvre, d'artiste en artiste.
C'est dès l'entrée sur la droite, qu'une forme de malaise m'envahit, une œuvre en particulier en est la cause : elle consiste en une palissade (Raymond Hains) posée sur le mur de la galerie sans aucune autre intervention que le fait de l'avoir déplacée dans ce lieu d'exposition. Alors qu'une bataille fait rage en moi pour décider si cette œuvre m'amuse ou si elle m'exaspère, je continue à regarder autour de moi et je réalise la diversité des œuvres proposées.
On entend en fond sonore un martèlement qui rythme toute l'exposition (vidéo Monica Bonvicini) alors que l'on avance et que l'on regarde. Vidéo, maquette, peinture, installation, photo,

L'exposition a le mérite de présenter des œuvres sur un même thème dans bien des langages différents. Sur la gauche, je reconnais la peinture de Philippe Cognée, une œuvre de Gordon Matta-Clark. Les maquettes sont impressionnantes, tant par le réalisme poussé de certaines (Didier Marcel) que par le travail de précision monstrueux nécessaire à la fabrication de telles pièces. Sur ma droite un mur immense coupe l'espace au milieu de l'exposition. Sur ce mur on voit un motif noir sur fond blanc d'un ouvrier; ou plutôt un symbole d'un ouvrier (Philippe Cazal).

Toujours le bruit du marteau.

Je me retourne et je peux voir l'entrée de la galerie avec la palissade sur laquelle mon opinion ne semble pas s'être encore arrêtée. Je vois un échafaudage au milieu (Dominique Ghesquière), puis sur la droite la peinture de Cognée. Je réalise à quel point les œuvres communiquent les unes avec les autres, elles dialoguent dans l'espace, les installations se superposent aux œuvres 2D sur les murs leur donnant une perspective différente selon notre position.
Dans la galerie se trouvent des ruines, des bouts de constructions qui maintenant sont œuvre d'art (Régis Perray). Entre les échafaudages, le bruit rythmé du marteau contre un mur et les gravats disposés vers le bout de la galerie, il en résulte une immersion totale dans le monde du chantier. Quel chantier? Celui de l'art. Destruction, création, travaux, reconstruction...
Je me dis que cette exposition est à l'image du monde de l'art d'aujourd'hui, du monde de l'art en général.
En perpétuelle évolution, les artistes reconstruisent inlassablement, participant à un chantier qui les dépasse: le chantier de l'art.
Guillaume Duhirel





Etienne Bossut, Out, 2005

TABLE à l'Atelier Alain Lebras, Nantes






TABLE à l'Atelier Alain Lebras, Nantes
Elise Guihard, Romain Rambaud, Cat Fenwick, Marine Class,
Pierre-Alandre Remy, Chloé Jarry


 


J'ai eu ce flyer entre les mains qui m'a donné envie d'aller voir ça de plus près.
C'est sûrement la table bleue en lévitation
ou les cinq personnes qui l'entourent
les bras au-dessus de la tête
les yeux mi-clos
patientant jusqu'à l'arrivée
 de spectateurs curieux.

J'entre

Ils ne sont pas là.
Je dis zut
puis me déleste de mes attentes.

Je vois le lino s'extraire du sol à deux endroits
pour venir s'allonger mollement sur deux paires de tréteaux
 formant des drôles de table incurvées
je ne touche pas
j'aimerais toucher.

Plus loin s'élèvent des formes violentes oranges et anguleuses faites d'acier
la table éclatée.

Il n'y a pas de textes pas de photos
juste des sculptures.

Plus loin une grande plaque de métal perforée de centaines de trous est placée en tension sur un tronc d'argile
l'acier se cambre et la terre jaillit
immobile.

Sur une petite table ronde de café il y a une nappe blanche
sur la petite nappe blanche il y a une petite cafetière et des petites tasses en porcelaine
dans les petites tasses en porcelaine il y a du sucre
dans une des petites tasses en porcelaine avec du sucre il y a une cuillère
mon esprit analyse.

On me dit
"normalement si on bouge la petite cuillère ça fait Miiiiiaaaouuuu mais là la pile ne marche plus alors on attend l'artiste qui doit nous en apporter une nouvelle"

Je me dis zut encore
J’aurais aimé découvrir ça tout seul et être surpris.

Ensuite ça brille
de magnifiques V à l'envers transpercent comme des montagnes d'or une planche de bois noire
je la scrute sous tous les angles.

Je grimpe les quatre marches fragiles d'un étroit escalier pour me retrouver face à la dernière œuvre de l'exposition
c'est abstrait
c'est une lumière qui vient du plafond
c'est une nappe colorée de bleu de blanc de vert et de noir
dessous
c'est encore de la lumière
dessus
c'est une sculpture en étain qui
par endroit brille
par endroit est mat
et qu'on ne doit pas toucher avec les doigts pour ne pas laisser de traces acides.

Je rigole avec deux des artistes qui tiennent l'atelier
et m'en vais paisiblement


Arthur d’Haeyer