mercredi 27 novembre 2013

Pierre Huygues, Centre-Pompidou


« Pierre Huyghe » au Centre-Pompidou de Paris du 25 septembre au 6 janvier 2013.
Commissaire d’exposition : Emma Lavigne.  


Beaucoup l’ont adorée, émerveillés devant l’imaginaire d’un espace organique et onirique, alliant féerie et troubles par des métamorphoses, des hybridations, des rencontres inattendues qui n’avaient encore jamais été proposées auparavant au sein d’une exposition. Entre le rêve et le cauchemar, Pierre Huyghe fait partie de ces artistes contemporains qui revisitent le statut d’œuvre d’art et plus particulièrement de l’espace d’exposition ; un projet qui est d’autant plus influent dans l’immense bâtiment du Centre Pompidou de Paris aux allures d’usine et industrie (une présentation au Palais de Tokyo aurait-elle alourdi au contraire le travail de l’artiste dans un lieu davantage « industriel » ?). Par la désignation d’un tel espace je parle entre autres d’une confrontation directe avec la nature, insectes et animaux bien réels ou désignés par vidéo ou performance, d’un espace d’exposition dégradé par un temps que l’artiste a lui-même remonté, et de découvertes technologiques, machine à faire pleuvoir ou jeu de lumière interactif au plafond. La nature organique est représentée dans toute sa puissance, régnant au-dessus de toute création humaine, inondant les architectures urbaines, envahissant les œuvres d’art en ignorant leur sacrement, ce qui est d’ailleurs paradoxal avec la propre représentation de cette nature en œuvre d’art, que la nature elle-même ignore. Ces lieux sont aussi la démonstration du temps, et de l’impuissance de l’homme à vouloir cacher ses effets : l’espace d’exposition n’est plus l’espace frais d’une démonstration contemporaine sur des murs immaculés mais il devient lecture transparente d’une succession de couches qui s’est établie sur un certain temps, des couches d’artistes et de peintures usés.
Mais c’est par ailleurs cette même vision de l’espace qui peut déranger le spectateur, fatigué d’un parcours naïf et innocent il se sent pantin d’un spectacle destiné à l’émerveiller par des effets visuels et surprenants. Bien que ces œuvres ne soient pas sans signification ni opaque à toute lecture intelligible, il est vrai que l’ensemble de l’exposition est basé sur un très long parcours d’œuvres diverses qui s’apparente à un fourre-tout dans lequel chaque œuvre perd de son sens et son attractivité. Car l’exposition est très grande, que le nombre d’œuvres est très important et que le travail de Pierre Huyghe est présenté sous tous les médiums et thèmes possibles, le regardeur accorde moins d’intérêt à chaque œuvre dans son unicité et préfère se consacrer à l’émerveillement de ce qu’on lui offre. Ce qui est dommage car beaucoup de ses œuvres mériteraient de se pencher un peu plus dessus et d’être isolées d’une ambiance extérieure.
Pourtant Pierre Huyghe est un artiste qui ne peut être détaché de son univers, un univers qui est bien reflété dans cet ensemble, dans sa diversité comme dans les liens entre ses différents travaux.


A.Fournié
Untilled (Liegender Frauenakt), 2012.

Timekeeper, 1999

Untitled, Acte 2 (Light Box) L’Expédition Scintillante, 2002.


Hilarious, Roee Rosen


Hilarious, de Roee Rosen
à l’Atelier Millefeuilles, Nantes

Capture d'écran, vidéo accessible sur internet : http://vimeo.com/35370617


Une vidéo d'une vingtaine de minutes, autant de temps qu'il en faut pour se rendre compte qu'un mécanisme intelligent et subtil opère.

Une scène, des spectateurs, des musiciens pour faire le « poum-tchaaa » des punchlines, et une supposée humoriste qui se présente : Roee Rosen.

Expressions faciales folles
Vouloir rire
Attendre
Ecouter
Etre déstabilisé
Attendre encore
Histoires
« It's heartbreaking »
Tu l'as dit
Un peu de transpiration
Malaise
profond
Histoires
tristes
Zygomatiques
off
On baisse les yeux
détourne le regard.

Capture d'écran

Margaux Foucret


Couleurs Plossu, séquences photographiques, Pavillon Populaire


BERNARD PLOSSU
Couleurs Plossu, séquences photographiques 1956 – 2013
au Pavillon Populaire, Montpellier (28 juin-6 octobre 2013)
Commissaire d'Exposition : Marc Donnadieu


Grenoble, France, 1974 - © Bernard Plossu


     Au milieu d’une de ces journées où tu erres sans savoir quoi faire de tes pieds, de tes mains, de ta tête, tu trouves toujours quelque chose à faire de tes yeux. Le bâtiment du Pavillon Populaire est apparu, une réponse venue de nulle-part, comme ça, paf. Les photographies de Plossu, c'est un peu pareil, elles me sont tombées dessus, mais dans un choc feutré.

     Ce sont des images troubles, troublées, troublantes, à la fois grises et à la fois gueulant leurs couleurs, mais de façon sourde. Enfin. Je rectifie : elles sont silencieuses. Elles donnent envie de se taire et de les regarder. Non, plus : les voir, de se plonger dedans, de se confondre avec elles. Ce sont des photos qui fourmillent.
     Je parlais de silence, précédemment, et c'est drôle, mais finalement, il y a du bruit. Du bruit, du grain, comme des grains de sable, comme des grains de sable du temps, comme pour un sablier, comme ces cinquante-sept années de photos offertes aux yeux. Des échantillons mystérieux de tout ce temps. Tu te dis que holy shit, il y a des clichés qui datent.
    Après réflexion, je dirais - de façon triviale : en fait tu t'en fous un peu de quand ça a été pris. Les photos t'atteignent tout autant en plein cœur, quand bien même elles aient pu dormir tant de temps dans les archives perso de Plossu (qui a longtemps été really famous pour ses noirs et blancs, mais qui gardait ses travaux couleur de côté et ne les sortait que pour des occases bien choisies).
    Plossu a décidé de donner dans les notices de l'exposition le lieu et l'année où il a appuyé sur la gâchette. Il se situe dans le temps et l'espace, mais en vrai, j'ai rien retenu, sauf l'information basique qu'il est allé un peu partout. Il a bougé, le type, il a navigué entre les continents, il est allé dans les villes, dans les forêts, les déserts. Ah, si, je me rappelle : un peu d'Ardèche par-ci, un peu de Sahara par-là, et quelque peu de Mexique là-bas aussi.
    Toutes ces petites informations, repères spatio-temporels, j'en parle, j'en parle. Au final, c'est pas forcément le plus important. Déjà, Plossu, il prend des choses simples (ça n'enlève aucune profondeur, aucune complexité dans son travail) en photo. Il se prend pas le chou. Mais il sent beaucoup de choses.
C'est des lignes qui se tirent, et tu te dis que même au-delà des limites de l'objet photo, les lignes elles poursuivent leur route, elles font leur bonhomme de chemin.

    Ces grandes photos, quand t'arrives devant, tu peux plus bouger. T'es en plein dans un instant, à la fois tu as la connaissance rationnelle que c'est un instant mort, et pourtant, ce qui focalise tes yeux, c'est juste de la vie, des purs moments de vie. Plossu, il est fort, parce que clairement, il touche du bout de l'orteil quelque chose d'insaisissable. Je sais pas si on peut comprendre, expliquer, savoir. Il y a juste à à à voilà.
C'est un étrange voyage dans l'existence, un voyage dans le regard, le tien, le mien, le sien, le leur.

Paris, 1967 - © Bernard Plossu 

 Mexico - © Bernard Plossu


Margaux Foucret

Performance Loss, Association Panem&Circences, Collectif A.LTER S.ESSIO.



Performance Loss

(Danse, vidéo, arts numérique, son, performance )
Durée : environ 25 minutes
Le 10 Octobre 2013 au Stéréolux à Nantes

Organisé par Cosmopolis et Stereolux, dans le cadre de Itinéraire Nantes-Japon 2013

Association Panem & Circences // Collectif A.LTER S.ESSIO.
Conception, création sonore, vidéo : Fabrice Planquette.
Chorégraphie : Yoko Higashino, Yum Keiko Takayama, Gianni Joseph.
Interprétation : Yum Keiko Takayama.
Costumes : YKT, YH.
Dessins : Matthieu Levet, Cécile Attagnant.
Production : Panem Et Circenses



On se retrouve assis par terre, tout simplement, en tailleur. Si je tendais le bras, je pourrais toucher la scène.

Une ambiance étrange envahit la salle à mesure que les gens cherchent un endroit où s'installer.
Les lumières sont tamisées, les murs et le sol sont noirs, on ne voit presque rien. Seul émerge ce carré de scène blanc, très peu surélevé.
Posé au centre, recroquevillé sur lui-même, le corps de ce qu'on imagine être la danseuse, semble endormi.
Ça va commencer.
Le son ! C'est lui qui ouvre le bal. Il arrive et envahit tout, même l'intérieur de mon corps. Chaque note se fait lourde et vient secouer mes muscles, bousculer mes neurones.
Le corps ! Si, il bouge, il alterne dans la pénombre mouvements doux et saccadés.
La lumière ? Pour l'instant on doit faire sans, et mes yeux se plissent.
Dans cette atmosphère trouble, l'effort de la danseuse devient le mien.

FLASH BLANC,
VOLUME MAXIMUM,

Brutalement tout s'éclaire, la musique passe dans les aigus, la danseuse se redresse et nous fixe à travers son costume, une sorte de collant chair qui lui recouvre le visage.
Le choc est intense, physique. On navigue entre les extrêmes ; on est quelque part entre la saturation et l'épuration, entre une rêverie impalpable et une douleur brute.
Le spectacle est total. Petit à petit, la danseuse sort de sa camisole et se dévoile. Elle est si expressive ! On dirait qu'elle cristallise tous les maux humains sur son visage.
Elle déverse son combat : un récit entre désir de verticalité et chute, violence contre le monde…
Ou serait-ce l'inverse ? Qui a tiré le premier ?
Tous les éléments fusionnent : la vidéo caresse le mouvement de la danseuse; les dessins très graphiques prennent vie à son contact; la musique semble être le fruit de sa danse…
Tout cela s'imbrique et converge comme un rituel, amenant la danseuse au corps frêle, à se transformer en puissant samouraï.
Je ne suis plus sûr de ce que je vois, la musique est trop forte.
(…)
Quand les lumières se rallument, la danseuse revient saluer. Elle sourit gracieusement, presque comme une enfant. J'échange quelques regards avec les gens de l'assemblée, encore une fois éblouis,
ou peut-être gênés, comme si on avait tous fait le même rêve.



Camille Juthier.

Evènement : http://www.stereolux.org/performance/loss-performance-mutlimedia-10-10-2013

Extrait vidéo (vidéo d'un duo, et non d'un solo comme à Nantes ) : http://vimeo.com/31861075

mercredi 20 novembre 2013

Pierre Huyghe

Pierre Huyghe
Centre Pompidou, Paris.
Galerie sud
25 septembre 2013– 6 janvier 2014

       

                         











 Plan de l’exposition                                             Pierre Huyghe, Untilled (LiegenderFrauenakt), 2012
                                                                                             












Exposition ludique, vivante et organique où le spectateur participe à l’évolution des œuvres.
Le travail de Pierre Huyghe interroge la notion d’exposition et du statut de l’œuvre.
Pour lui, « expédition rime avec exposition ».
Dès notre entrée dans l’exposition, un homme annonce notre arrivée en criant, comme si l’on était attendu.
La scénographie détient un rôle majeur à travers cette rétrospective.
La circulation anime l’exposition, en effet l’exposition est  organisée comme un labyrinthe de façon à ce que le spectateur y crée son propre parcours. Chaque espace n’y est pas bien défini. Human, un chien blanc à la patte  rose s’y promène.
Les sonorités et résonances rythment l’exposition.
Omniprésence de l’eau à travers tous ses états  et d’insectes (fourmis, abeilles, araignée de mer, Bernard l’Hermite, araignée, poisson, chien).
Une expédition intrigante qui se situe entre réalité et fiction.

M. d’Amarzit
   


L’Expédition Scintillante, 2002. Acte 1 : Untitled (Weather Score)

mardi 19 novembre 2013

La Grande Exposition d’Art Sonore

La Grande Exposition d’Art Sonore 
Plateforme Intermédia, La Fabrique de Nantes.
Artiste présentée : Jelena Glazova.
Commissaire d’exposition : Laboratoire de recherche Apo-33.

« Une Grande Exposition ».

Un escalier grillagé puis un couloir, baigné dans une lumière artificielle aveuglante. Un homme derrière un ordinateur se lève et vient à ma rencontre, l’air un peu perdu, je lui demande si je suis bien au bon endroit. Il m’indique la seule porte pouvant faire figure d’entrée. Je m’y avance, la salle fait soudainement contraste avec la précédente : plongée dans l’obscurité, seul un faisceau lumineux bleu vient éclairer une surface du sol sur laquelle sont disposés plusieurs coussins. Mais la lumière n’attise pas tant ma curiosité que ce que je comprends maintenant: la Grande Exposition d’Art Sonore, une dénomination unique d’un grand rendez-vous pour tous les amateurs d’expérimentations du son - le son sous toutes ses formes et tous ses sens - est soudainement réduite à une petite salle silencieuse et vide de visiteurs. Quel drame a pu survenir pour en arriver à une telle réduction ? Je m’avance dans cette salle, seule comme un explorateur dans une grotte, cherchant la bête et à l’affut d’un quelconque son. Mes yeux se font à l’obscurité et la porte du couloir laissée maladroitement ouverte fait pénétrer la lumière dans la salle révélant toute une installation d’amplis et de matériaux sonores. Alors que d’autres curieux me rejoignent finalement, nous sommes plusieurs à nous interroger sur l’absence de son. Il serait parait-il périodique ; l’homme finit par prendre une initiative. Il traverse la salle jusqu’à un ordinateur et lance son programme aux yeux de tout le monde. Déjà le charme de l’œuvre est rompu. Mais voilà qu’une fois la bande sonore lancée il se met à retraverser la salle dans l’autre sens en enjambant cette fois l’œuvre exposée sans ménagement. N’a-t-il donc aucune considération pour l’artiste ?

La bande sonore s’apparente à de la musique électronique, expérimentant divers sons et bruits souvent désagréables et à forte fréquence aux quatre coins de la pièce où sont installés les amplis dans la semi-obscurité. Face à l’installation des coussins sous la lumière bleue, des images surgissent dans ma tête : celle d’une masse d’hommes aux allures primitives, une tribu installée sur des coussins. Puis des bruits métalliques me ramènent à une usine désaffectée, abandonnée et habitée par quelques extra-terrestres réunis autour d‘un complot. Drôles d’images… L’installation visuelle et sonore ne me parle pas vraiment. Une famille entre dans la salle, des ombres d’enfants se dessinent dans l’obscurité, silhouettes frêles n’osant affronter la terreur de l’espace que tirés par leur mère. Celle-ci commence à manipuler les coussins et installent ses enfants dessus… Quoi ? Qu’ont-ils tous à détruire l’œuvre ? C’est alors que je comprends que ceci est la véritable fonction des coussins, remettant toute ma réflexion et mon imagination en compte. Je me trouve face à un travail purement sonore, les coussins étant à notre disposition pour un placement central de l’œuvre et la lumière bleue par défaut d’un quelconque faible éclairage. Je redémarre ma réflexion à zéro et me concentre sur la bande sonore. Mais voilà qu’à chaque son fait écho un cri et des pleurs d’enfants terrifiés. Un son, des cris, un son, des cris, et la pièce se transforme en une garderie incontrôlable. Impossible de ne pas en tenir compte. Il semblerait qu’il y ait véritablement une ambiance effrayante dans cette salle. Ils s’en vont finalement et je me retrouve à nouveau seule. La bande sonore s’arrête sans que j’aie eu le temps de me fondre dans un espace imaginaire. Ce fut un échec, me voilà repartie.


A.Fournié