vendredi 21 mars 2014

Le Vent Se Lève

Le Vent Se Lève (Kaze Tachinu)
écrit et réalisé par Hayao Miyazaki
Sortie en salles au Japon le 20 juillet 2013, en France le 22 janvier 2014

  Son film le plus adulte, portrayant son fantasme le plus enfantin. Ainsi résumerais je mes impressions sur le dernier long-métrage en date du réalisateur phare des Studios Ghibli, Hayao Miyazaki. Ce dernier fait tout simplement vivre et rayonner l’animation japonaise depuis presque cinquante ans, dans son pays et à l’international, avec des chefs d’œuvres bien connus et incontournables comme « Mon Voisin Totoro », « Princesse Mononoké» ou « Le Voyage de Chihiro ». « Le Vent Se Lève » détonne dans sa filmographie, de par son ancrage historique inédit, son traitement biographique romancé, et son découpage très étendu dans le temps. On suit ainsi l’histoire de Jirô Horikoshi, ingénieur chez Mitsubishi ayant conçu les chasseurs bombardiers aériens qui serviront à l’armée japonaise pendant la Seconde Guerre Mondiale. Son profil effacé et rêveur est mêlé à une approche sentimentale et romantique, disons-le très mélodramatique, l’accent étant ici principalement mis sur une dimension émotionnelle très forte. 
 A la sortie de « Le Vent Se Lève » au Japon l’été dernier, le film a évidemment fait parler de lui, d’abord parce qu’il a été présenté comme étant le dernier de la carrière du réalisateur, mais aussi pour son traitement historique particulier. Le thème le plus fort et reconnu de Miyazaki, qui est l’enfance, y est totalement absent ; on suit un passage à l’âge adulte, qui se fait notamment par la découverte de l’amour, un amour romancé et idéalisé, procédé commun chez les Japonais. Horikoshi, personnage historique réel –rappelons-le- représente-t-il le Japonais dans son génie le plus simple ? Dans son commun le plus « japonais » ? Le monde tourne, change, s’autodétruit (magnifique représentation fantaisiste du séisme de 1923 de Kantô), mais notre protagoniste suit un rêve simple, tracé, celui de construire des avions, car c’est ce qu’il a toujours su et aimé faire. Miyazaki semble tout simplement dépeindre le héros qu’il aurait aimé être, un garçon impassible et neutre, ne se souciant pas d’un monde lointain tourmenté et illogique qui toujours se mène à sa propre perte. La folie des hommes, de la guerre… des thèmes politiques et humanistes encore une fois bien connus des services, et sur lesquels Miyazaki garde un avis très tranché. Trop ? Facile de considérer son héros comme dédouané de sa participation pourtant plus que décisive au rôle tragique du Japon dans cette période fatalement meurtrière. Pourtant, la beauté du raisonnement et des sentiments dépeints semblent malicieusement nous demander d’aller au-delà de ces considérations matérielles, des faits. Il n’y a ni gentils ni méchants dans cette histoire, et il est laissé suffisamment de place à l’avis du spectateur sur le rôle des personnages pour pouvoir affirmer que celui-ci n’a au final pas d’importance. La guerre ? L’amour, la mort… des prétextes pour raconter des histoires, faire rêver. Miyazaki réalise des films d’enfants avec des considérations adultes qui les dépassent ; avec « Le Vent Se Lève », il parle d’adultes accomplissant leurs idéaux d’enfants. 

Vincent Rouault







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