mardi 28 avril 2015

Dépasser les Bornes

Dépasser les Bornes
Cécile Benoiton
Du 14 mars au 11 avril
Galerie RDV, 16 Allée Commandant Charcot, 44000 Nantes, France.
http://galerierdv.com/


Pise
Cécile Benoiton
2008


M : Rouge à lèvres, brosse à dent, livres, chaise roulante, plat, fourchette, colle, encre, chaussure à talon, chantilly, fissure, gelée, bonnet de bain, jambe de bois, aiguille...

S : Quotidien, cadre, familier, codes, gestes, protocoles, anodin, répétition, inutile, absurde, remise en question.
Hypnotisant, autonome, magnétique, fascination, beau, séduction.
Dépassement, renversement, invraisemblable, décalage, trouble, jeu, jeux de mots, déstabilisation, déroutement.

M : Immersion.
Couleurs.
Dorure, rouge, bleu, blanc, noir.
Multiplication des formes.
Pleins, vides, percer, brûler, cadrer, déformer, projeter, additionner, entasser, échelle, minutie.
Immersion.
Boucle.

S : Stupéfaction  !

M : Accumulation.
Claustrophobie.

S : Mais pourquoi ?

M: C'est comme ça.
Univers familier.
La vie.
Le corps.
La matière.

S : La mort ?
Chancellement. Déstabilisation.

M : Un regard.
Du coin de l’œil.

S: La boucle est bouclée.

L'usine
Cécile Benoiton





Margot Mennicken 
Svetlana Tempez

Fatum

Jérome Zonder,  Fatum 

La Maison rouge
Paris


    L'entrée de l'exposition se fait par un couloir entièrement recouvert par des rouleaux de toile
investis d'encre et de graphite dépictant un espace immersif dans lequel nous sommes plongés,
un espace où la ligne à suivre s’impose au spectateur.
    Ainsi, la déambulation est régie afin que le spectateur soit habité par le dessin et qu'une confrontation s'opère. Encadrés par cette étendue organique, de petits dessins d'enfants, des reptiles et insectes rythment l'espace. C'est une sédimentation de la grande histoire, de l'histoire des représentations et de l'histoire intime,
articulée dans une vitalité hyperréaliste. Dans cet espace en évolution, les "archives" de l'auteur viennent se confondre avec ses références afin de faire circuler les espaces entre eux, de faire respirer le dessin. L'espace bascule ensuite dans un espace restreint, des murs blancs jonchés de meubles faits d'encre, c'est un lieu où le réel et l'imaginaire s’effleurent.
    Le pointillé et le hachurage animé investissent la forme, l'épousent et la transforment de manière virtuose et insolente qui se joue de multiples registres graphiques. Zonder investit la feuille de traits, d'intensités, d'inspirations. Ainsi, le dessin fini paraît alors comme de multiples allers-retours entre l'adolescence, l'inconscient, la fiction et la narration.
La limite du dessin se ressent tout de suite dans Chairs grises, une série de dessins basés sur les quatre photographies rescapées d'Auschwitz. Une rupture a lieu, et le dessin léger s'efface pour laisser place à un trait plus physique. Dans Chairs grises, les dessins se font au doigt, c'est une masse constituée d'atomes, un questionnement d'identité et de mémoire. La rupture narrative a lieu dans ce basculement du dessin. Sa pièce Hommage à James Ensor est un rassemblement des restes de son atelier, de poussières, de morceaux de papiers et de chutes, assemblés comme un bas relief orné de masques et de visages.
Nous devons ensuite passer par un tunnel noir, longue respiration, pour arriver à une série de dessins très graphiques, composés de cercles, représentant des formes cubiques. Finalement, nous faisons face à
L'autopsie de la jeune fille, un quadriptyque. Représenter en noir et blanc c'est se tenir du côté de l'artifice et de la fiction, mais paradoxalement, les pièces respirent, elles ne demandent que d'exploser du cadre, de repousser les limites du dessin.
Lorsque l'on s'approche, ce qui paraissait hyperréaliste, devient une masse qui semble communiquer à l'échelle atomique et forme une éclosion. Cette dernière salle nous rejette alors dans la salle du début, c'est une forêt synaptique.

    C'est une exposition en allers-retours, où le spectateur est porté par le dessin. Il n'y a pas d'échappatoire, aucun artifice. L'œuvre de Zonder est habitée par quelque chose de démesurément obsessionnel et puissant. C'est une énergie brute qui paraît recracher toute l'histoire, aujourd'hui, à laquelle nous ne pouvons être hermétiques.





Samuel Prewett

Voiles, cordes, filets, parasols...



Voiles, cordes, filets, parasols...

Exposition de Claude Viallat, du 27 février au 17 mai 2015. 
Commissaire de l'exposition, Blandine Chavanne.

Chapelle de l’Oratoire, Place de l'Oratoire, 44000 NANTES.


C'est le cœur léger que je repars de l'exposition Viallat ayant lieu actuellement à la chapelle de l'Oratoire. J'y ai découvert Claude Viallat, l'un des pionniers du mouvement Supports Surfaces des années 60. Cet illustre personnage nous propose des productions hautes en couleurs investissant l'espace de la chapelle du sol au plafond. La scénographie a été supervisée par l'artiste en personne, ayant un goût prononcé pour l'accrochage de ses pièces, il a agencé le lieu afin d'amener un regard nouveau sur la chapelle. En effet, j'ai été surpris de voir une de ses œuvres accrochée au-dessus de la porte d'entrée, un endroit insolite, souvent négligé, montrant que Viallat est rigoureux sur les détails.

             
        Dans son exposition, des tissus, des voiles, des filets, des parasols sont marqués d'empreintes d'une forme incongrue, que je ne pourrai qualifier. Sa célèbre «forme Viallat», ce motif singulier, distinguable entre mille, contribuant à sa marque de fabrique. Les petites obsessions formelles de Viallat l'amènent inlassablement à expérimenter et performer sa forme en la répétant sur tous types de supports. Conformément à ses intentions, il utilise différents procédés pour altérer sa forme, parfois elle recouvre le support, parfois elle le délimite etc... Les couleurs varient, quelquefois expressives, par moment sombres, jaugeant la complémentarité ou le contraste. Viallat n'en est pas moins un peintre, questionnant le statut du support dans la peinture, une toile affranchie d'un châssis.


            Dans une salle annexe de la chapelle, un documentaire sur Viallat est proposé. A mon sens, celui-ci vaut vraiment le détour permettant une approche plus intime avec l'artiste. On y découvre un petit grand-père forçant le respect, peignant depuis plus de 50 ans restant étroitement lié à ses préoccupations qui lui sont propres.

            Ce qui me séduit dans la démarche de Viallat, c'est son systématisme et son caractère obsessionnel à décliner ses expérimentations plastiques. Il est très prolifique et se réinvente à chacune de ses créations sans pour autant se répéter. Par ailleurs, il utilise des moyens rudimentaires et simples d'assemblage que je trouve très cohérent plastiquement.

            Pour ma part, son travail est à mi-chemin entre la peinture, l'assemblage et l'édition. Une exposition  très plaisante qui m'a comblé.




Maxime Quinette

Les jeudis de l’Oulipo


Les jeudis de l’Oulipo

BNF Paris, Grand auditorium

 
Une fois par mois, les oulipiens se réunissent, proposant lectures et créations originales au public. Le jeudi 12 mars, j’en ai fait l’expérience. D’abord, la découverte d’un magnifique auditorium au sein de la Bibliothèque Nationale de France. La conférence n’a duré qu’une heure, à mon grand regret. Ce jour là, se trouvait en face de moi de grandes figures de l’Oulipo (et de la littérature française). Parmi eux : Marcel Benabou, Jacques Jouet, Ian Monk, Olivier Salon et Hervé Le Tellier. Quelle impressionnante brochette!
Le thème traité ce jour là était « Honorer ». Car oui, un mot est choisi en amont pour chaque conférence. C’est alors que, à tour de rôle, les oulipiens se mettent à lire leur propositions, seul ou à plusieurs. Comment pouvait-on mieux honorer un tel mot, qu’en écoutant chacune de leurs prestigieuses lectures ?
Certains oulipiens avaient fait le choix d’honorer un de leurs proches par exemple. Soit de manière très humoristique (ce que recevait parfaitement le public en riant aux éclats), soit de manière très nostalgique et touchante (ce qui laissait place à un silence plutôt émouvant). D’autres encore avaient écrit des poèmes, textes ou dialogues remplis de subtilités et de jeux de mots, passant par des grossièretés et drôleries, allant eux-mêmes jusqu’à en rire lors de leur lectures. 
La manière dont se déroule la conférence est intéressante : des enchaînements de lectures et des enchaînement d’émotions pour le public. On passe d’une idée à une autre en quelques minutes, en découvrant la façon d’écrire (et d’appréhender un sujet) de chaque écrivain. Cela crée alors une hétérogénéité plus qu’appréciable.


Louise Masson

Tout ce qui se passe sous le soleil


Tout ce qui se passe sous le soleil

Le lieu unique, Nantes

Jusqu’au 17 mai 2015


En ce moment au lieu unique, et ce jusqu’au 17 mai 2015, se déroule l’exposition « Tout ce qui se passe sous le soleil » – elle présente pour la première fois en France une trentaine d’œuvres du Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève (FMAC) ainsi que du Fonds André Iten. Elle donne à voir presque autant d’artistes que d’œuvres, tous médiums confondus (peinture, dessin, photo, sculpture, installation, vidéo…). L’originalité de cette exposition découle notamment de la façon dont les œuvres ont été sélectionnées – Ici pas de thématique figée sur telle pratique ou tel mouvement, mais un parcours sensiblement initiatique orchestré de manière tout à fait intuitive par Patricia Buck, responsable des expositions au LU, Carole Rigaut, commissaire d’expo et Julien Amouroux.

Le spectateur est ainsi invité à voyager à travers une série de « paysages », déterminés par de simples mises en relation des œuvres : paysage sonore, domestique, intérieur, en guerre, en ruine, métaphysique. Permettant à chacun de rapiécer une à une ces œuvres multiples dont la confrontation pourrait sembler décousue.



         Trêve de bavardage. Une œuvre a singulièrement retenu mon attention. La « fresque sonore » (ou Trames, 2011) d'Alexandre Joly, une œuvre synesthésique qui chatouille nos oreilles et ravit nos yeux. En effet, nous sommes face à un mur habillé d'une infinité de haut-parleurs piézos reliés à des corde de piano et de très fins fils de cuivre grâce à des aimants. Cette fragile composition forme un motif régulier, rappelant les alvéoles d'une ruche, la composition d'une cellule, du microscopique au macroscopique. Plus on s'en rapproche, plus le son est palpable, ni bruit, ni mélodie, mais un bourdonnement sourd, une présence qui vous suit. Notre corps entier semble résonner face à cette onde vibratoire ininterrompue, comme plongé dans un état contemplatif où affleurent des sensations, des impressions, des souvenirs diffus. À chacun donc de projeter sur cette trame ses propres images et sa propre mélodie, comme l'explique l'artiste dans le cadre du festival suisse Antigel : «Ces petits disques ont la propriété de réfléchir la lumière, créant ainsi des petits scintillements lorsque nous nous déplaçons dans l’espace et suivant dans quel angle notre regard reçoit ces reflets de lumière. C'est pour moi une œuvre poétique, chacun est libre d’interpréter ces constellations à son bon vouloir. »





Léa Raffini

Voiles, cordes, filets, parasols...


Voiles, cordes, filets, parasols...

Exposition de Claude Viallat, du 27 février au 17 mai 2015. 
Commissaire de l'exposition, Blandine Chavanne.

Chapelle de l’Oratoire, Place de l'Oratoire, 44000 NANTES.


Atmosphère maritime

Claude Viallat redonne sa beauté, sa grandeur et son charme à la Chapelle de l'Oratoire qui était lors de ces deux dernières expositions (ex : les éclats de l'ombre, Amédée de La Patellière, 24 oct 2014 - 25 janv 2015) dénaturé par les cimaises et une scénographie trop étouffantes.

C'est une magnifique installation, un travail de scénographie et d'accrochage d'une légèreté et originalité étonnantes. Les œuvres  de Viallat sont tendues, plaquées, elles sont accrochées au plafond, aux murs, au-dessus de la porte d'entrée, posées sur le sol...
Elles envahissent l'espace sans saturation et jouent avec les pilastres corinthiens de la chapelle. Les pièces ont été sélectionnées avec goût et pertinence, les formes, les couleurs, les drapés et les voiles semblant flotter forment une seule et même installation parfaitement cohérente et nous offre un sentiment de légèreté, de simplicité, de sérénité.

Les matériaux utilisés nous plongent dans un univers de bord de mer paisible, une atmosphère maritime, ce sont des matériaux de récupération : voiles de bateaux, toiles, filets, cordages, toiles de parasols, toile de parachute. Les motifs aux couleurs claires presque pastel, sont en parfait accord avec l'univers créé.


Alban Mercier.