lundi 6 mars 2017

Au bord du monde, de Claus Drexel, 2013

« (…) des gens qu'on voit partout mais qu'on n'entend jamais" (Claus Drexel)


AU BORD DU MONDE
Un film de Claus Drexel, 2013

« Film magnifique, où la beauté des lieux révèlent celle des êtres qui y vivent si mal. »

« Claus Drexel ne les humilie pas. Il ne les filme pas, comme beaucoup avant lui, avec une pitié maladroite. Il en fait, au contraire, de purs héros tragiques, victimes de forces qui les dépassent et qui les broient. Démarche passionnante. »
(Télérama)

« Chaque plan ressemble à un tableau, mais les images sont glaçantes : là un SDF pieds-nus sur les Champs-Elysées, ici des corps d'hommes allongés contre un mur, d'entre lesquels surgissent des rats s'enfuyant avec des quignons de pain. »
(Le Nouvel Observateur)

« Bonjour ! »

«  Passe une bonne journée. », je souris.
Il est assis, une 1664 à la main : le bon rapport qualité/prix pour supporter le froid et emmener son cerveau ailleurs. Je le vois tous les matins, et tous les matins on se salue en souriant. Installé dans la rue qui longe les galeries Lafayette à Nantes il n'est pas très habillé : un jean, une modeste veste et un petit bonnet noir qu'il ne quitte jamais. Il me rappelle Christine, Jeni, Pascal et les autres.

Ils habillent les pavés des rues parisiennes, décorent les couloirs du métro et la nuit, le Paris « carte postale » s'efface pour leur céder la place.
Parfois, l'éclat d'une pauvre pièce tinte devant leur lit de fortune. Juste parfois.

Claus Drexel les a suivis pendant un an et a filmé, d'avril 2012 à mars 2013, leur quotidien en plans fixes. Ils rencontrent la caméra et nous racontent la misère, la faim, le froid, mais aussi leurs rêves et leurs rencontres.

Christine nous touche. Emmitouflée dans sa couverture aux abords du jardin des plantes, elle grelotte. La neige se pose sur ses cheveux blancs. Elle regarde les flocons, elle sourit parce qu'elle trouve ça beau. C'est entre deux cigarettes qu'elle se confie :

«Je ne sais pas comment lancer un appel au secours. Je ne sais pas faire. Le pire de tout, c'est ne pas obtenir de réponse aux problèmes qui t'ont menée ici. C'est comme si les gens, les autorités, te donnaient pour perdue, comme si le fait d'être à la rue, ce n'est plus la peine de s'arrêter, de t'écouter… Les gens ne deviennent pas fous, ils disparaissent. Tout simplement.»

La mise en scène est osée. Entre triviale et sublime, elle nous plonge dans un Paris équivoque, où se rencontrent luxe des tapis rouges et pauvreté des tapis de carton.

Un film plein de dignité et une grande leçon d'humanité dans un Paris sublimé mais totalement exact.


Marine Houenard

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